L’archivage de la facture électronique en 8 questions
À partir de 2024, la facture électronique deviendra progressivement obligatoire. Une réforme qui aura de nombreuses conséquences pour les entreprises, notamment pour la conservation de ces documents. Explications.
Qui est concerné ?
Toutes les entreprises. Et vite : à partir du 1er juillet 2024, l’ensemble des entreprises assujetties à la TVA, soit plus de 4 millions en France, devront pouvoir réceptionner des factures électroniques. A la même date, les grandes entreprises devront émettre et transmettre leurs factures dans un format électronique ; pour les entreprises de taille intermédiaire ce sera à partir du 1er janvier 2025, et pour les petites et moyennes, à partir du 1er janvier 2026. Ces émissions de factures électroniques devront être réalisées selon les modalités de la réforme parmi lesquelles l’utilisation de formats mixtes ou structurés et l’ajout de 4 mentions obligatoires.
A cette obligation de facturation électronique, dite « e-invoicing », s’ajoutera celle de l’« e-reporting» : la transmission d’informations complémentaires à l’administration fiscale. Les entreprises devront utiliser une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) ou le portail public de facturation (PPF), Chorus Pro pour répondre à ces obligations.
Quelle est la facture de référence (ou d’origine) ?
La facture d’origine est celle envoyée au destinataire. Elle existe en deux exemplaires : celui de l’émetteur et celui du destinataire, et chaque partie doit conserver cette facture d’origine, voilà le principe. Mais avec la réforme en cours, les acteurs sont plus nombreux : la facture d’origine, envoyée au destinataire, peut ainsi être créée par un logiciel de gestion (ERP ou PGI), par un opérateur de dématérialisation (OD), ou par une PDP, puis être réceptionnée sur la plateforme choisie par le destinataire. Autrement dit, le format de la facture de l’émetteur ne sera pas forcément le même que celui de la facture du destinataire : la question du format de la facture d’origine s’efface aujourd’hui devant la notion du fond qui reste centrale. La donnée reste donc au cœur de l’origine de la facture et il conviendra d’assurer dès lors sur ces données les trois grandes fonctionnalités de la facture électronique.
Quelles sont les 3 grandes exigences à respecter pour disposer de facture électronique ?
Selon l’article 289 du Code général des impôts, « L’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture doivent être assurées à compter de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation ». L’authenticité, l’intégrité et la lisibilité sont donc les trois fondements d’une facture, quelle que soit son format.
Quelles sont les 3 voies d’émission ou réception qui assurent la conformité à ces exigences ?
Toujours selon l’article 289 du CGI, il existe trois voies de sécurisation :
- La facture électronique avec piste d’audit fiable, dès lors que « des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l’entreprise et permettent d’établir une piste d’audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de services qui en est le fondement».
- La facture avec une signature électronique qualifiée selon le règlement européen eIDAS.
- La facture structurée dans un format standard, c’est-à-dire utilisant l’échange de données informatisé (EDI).
Pour plus d’explications sur ces voies de sécurisation, et des cas d’usage, la Fédération des Tiers de Confiance du numérique (FnTC) a publié le guide « Facture électronique à la portée de tous », disponible sur le site de la FnTC.
Quels éléments doivent être archivés ?
Il convient de conserver la facture dans son format d’émission et de réception, pour faire face à l’évolution de la notion de facture d’origine et d’être en capacité d’en fournir un lisible mais pas seulement :
- Dans le cas d’une facture électronique avec piste d’audit fiable, les documents permettant la piste d’audit fiable (devis, bon de commande, bon de livraison, justificatif de paiement) doivent être archivés, en format électronique ou papier
- Si l’entreprise utilise l’EDI, l’archivage doit aussi concerner la liste récapitulative et le fichier des partenaires.
- Et dans le cas d’une facture signée électroniquement, il faut conserver la facture évidemment, mais aussi la signature électronique, ainsi que ses éléments de preuves. La FnTC et le CR2PA ont publié un guide sur cette problématique : « Signature électronique : Validation et archivage », disponible sur le site de la FnTC.
Il faut aussi assurer la traçabilité des données de la facture qui transitent entre les différents acteurs de la réforme, par exemple en conservant les tables et processus de transcodage, voire les fichiers de mapping et de logs de transmission.
Combien de temps les pièces doivent-elles être conservées ?
Les factures doivent être archivées 10 ans selon le Code du commerce, 6 ans selon le droit fiscal. Cependant, pour d’autres besoins internes ou règlementaires, une entreprise peut décider de les conserver sur une période plus longue.
Qui archive ?
Il appartient à l’émetteur et au destinataire de la facture de s’assurer de l’archivage de l’ensemble des éléments liés à la facturation. Ils peuvent le faire soit en les collectant eux-mêmes, le cas échéant en s’appuyant sur un tiers-archiveur, soit en déléguant une partie de cet archivage à l’un des opérateurs de la chaîne de traitement. Dans ce dernier cas, il paraît logique de conserver les factures sur la plateforme utilisée pour émettre et recevoir les factures.
Pour décider des modalités de l’archivage il faudra prendre en compte les considérations suivantes :
- La facturation n’est souvent que l’un des éléments à produire pour justifier d’une affaire ou d’un processus.
- La plate-forme de facturation ne disposera pas, en général, de tous les éléments justificatifs de la facturation (par exemple ceux de la piste d’audit fiable, si c’est la voie de sécurisation retenue).
- L’archivage ne se résume pas à un simple stockage de données, et doit être conforme à l’article L102 B du Livres des Procédures fiscales, notamment pour le maintien de l’intégrité des éléments conservés. Il convient de s’assurer de la capacité du prestataire à maintenir l’intégrité, la disponibilité, la pérennité et la lisibilité de ses archives au fil du temps. Ainsi que sa capacité à assurer une correcte réversibilité des données en cas de besoin.
- Il faudra également s’assurer que la durée d’archivage du prestataire est compatible avec celle voulue par l’entreprise, si celle-ci s’écarte du standard habituel de 10 ans.
Que faut-il retenir de l’arrivée de la facture électronique ?
Cette réforme engendrera des modifications dans l’archivage des factures tel qu’il est pratiqué aujourd’hui.
L’entreprise devra veiller à :
- Archiver la facture et les différentes données ou documents nécessaires, en fonction de la voie de sécurisation choisie.
- Archiver les éléments de traçabilité (conversion, logs, mapping).
- Maintenir l’intégrité, la disponibilité, la pérennité et la lisibilité de ses archives au fil du temps.
L’entreprise doit également s’assurer que tous les acteurs opérant dans le flux de factures dématérialisées (ERP, PDP, OD, Tiers Archiveur) sont capables de répondre à ces préconisations.
Pour savoir ce qu’il faut mettre en place ou modifier dans les pratiques actuelles, il est donc primordial pour l’entreprise de bien connaitre ses partenaires et leurs capacités. Soit chaque acteur archive selon l’état de l’art sa partie (données, facture, logs, tables de mapping) et peut les restituer en cas de besoin. Soit l’entreprise centralise son archivage et veille à ce que les différents acteurs transmettent les éléments à archiver.
Certains points restent à étudier dans le cadre de la réforme, à savoir les conditions de l’archivage opéré par le Portail Public de Facturation, le respect du secret des affaires, l’impartialité des pièces fournies dans le cadre d’un contentieux fiscal, la responsabilité inhérente au Portail Public de Facturation et la distorsion de concurrence entre un archivage public gratuit et des offres d’archivage existantes sur le marché.
Il est donc primordial que les professionnels de l’information, archivistes et autres records managers, puissent se sentir légitimes à s’emparer de cette question dans la cadre la mise en place de ce type de projets au sein de leurs organisations respectives.
Fédération des Tiers de Confiance du numérique / CR2PA.