Bruno Lalande, président du CR2PA, le rappelait en introduction : Le CR2PA a 15 ans. Il a été créé par des responsables d’archivage sur la base du constat que le processus d’archivage dans les entreprises avait été en partie perdu, parce qu’il était lié à un mode de production et de diffusion de l’information lui-même profondément transformé par la généralisation de l’informatique individuelle. Et aussi sur l’idée que garantir et promouvoir le processus d’archivage est une responsabilité non pas de l’archiviste, mais du management de l’entreprise.
Cette problématique existe toujours, mais les entreprises d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’il y a 15 ans. On discourt beaucoup sur la transformation numérique mais ça n’est pas qu’un mot, c’est la réalité. On entend citer : les systèmes de données qui se substituent au document, l’automatisation des process, la volumétrie, les exigences réglementaires, la cybersécurité, et maintenant la préoccupation de l’empreinte carbone, l’intelligence artificielle, etc…
Comment le records manager trouve-t-il sa place dans ce mouvement de transformation d’entreprise ?
Quatre d’entre eux étaient invités à partager leur expérience mardi 2 avril à la Maison de la RATP :
Chantal Pasquier, chargée de veille et d’archivage chez EGIS
Florentin Dez, responsable service records management et product owner « Archivage et cycle de vie » chez Bouygues Construction
Lucie Merckens, responsable du service de veille, records management et archives chez RATP Group
et Stéphane Wulc, global head of records & information management chez Sanofi
auxquels s’était joint, pour apporter en conclusion sa vision d’expert, Florian Delabie, expert en gouvernance de l’information, auteur du livre « Gestion et préservation de l’information. Comprendre, coordonner, agir ».
Voici quelques idées fortes qui ressortent de ces échanges :
Le Records Management, bien que présent dans nombre d’entreprises, n’est pas une fonction « standardisée ».
En témoigne la diversité des rattachements dans l’entreprise des participants : services généraux, direction technique, direction de la communication…
Les Records Managers se sentent aujourd’hui plutôt bien reconnus dans l’entreprise
Ils s’appuient sur les Directions Juridiques, sur les besoins réglementaires.
Dans les entreprises dont les activités sont structurées en projets, les chefs de projet sont bien conscients du besoin.
Sur la durée, ils ressentent une évolution positive dans leur intégration dans l’entreprise
« La patience et l’obstination paient ; on est écouté des Directeurs de projet, des DSI. »
« Aujourd’hui, on est intégré dans les process, on est sollicité très en amont, on arrive à faire financer l’archivage dans le coût des projets. »
« On a déplacé notre activité vers le business, avec de bons interlocuteurs comme sponsors : la qualité, le juridique,… »
« On a un réseau très étendu qui permet de faire évoluer nos partenaires. »
Tous sont clairement embarqués sur l’archivage numérique
Deux des intervenants sont engagés dans un projet de mise en place d’archivage numérique.
Pour les deux autres, le Système d’Archivage Electronique est en place depuis plusieurs années et l’effort se porte sur la récupération de données d’applications à décommissionner.
L’archivage numérique s’alimente en venant se brancher sur des applications amont
Les opérationnels ne veulent pas de nouvel outil, ils veulent que l’archivage soit automatique à partir de leur outil de travail, en produisant automatiquement les métadonnées d’archivage.
Mais ça n’est pas toujours possible à 100% ! Il est bon d’ailleurs que les opérationnels restent conscients de l’archivage, pour respecter la structure de documentation dans une GED par exemple.
L’archivage est facilité parce que les opérationnels des projets travaillent dans des GED déjà structurées selon le référentiel d’archivage.
Mais il reste la difficulté de l’archivage des emails !
Il faut promouvoir l’« archivage by design », prévu dès la conception des applications métier.
L’automatisation de l’archivage conduit à accepter de réduire le nombre de métadonnées : 2 ou 3 seulement pour une GED au lieu d’une dizaine.
Le besoin de limiter le volume de stockage informatique est un solide point d’appui
Il est maintenant au cœur des préoccupations des directions informatiques.
Florian Delabie nous donne quelques chiffres : une volumétrie en croissance de 20% chaque année, une perte de temps en recherche de données évaluée jusqu’à 35% du temps des acteurs, 33% de données inutiles.
Un 1er axe de maîtrise pour le processus d’archivage est de limiter les volumes archivés :
- Ne prendre que ce qui est pertinent
- Réduire certaines durées de conservation
- Passer par la responsabilisation du métier pour sélectionner
- On constate qu’avec les sources numériques on archive moins de types de documents différents que ce qu’on faisait avec les documents papiers : même avec la mise en place de bonnes règles de tri sur le papier, il arrivait que certaines armoires soient archivées pour répondre à une problématique ponctuelle de place plus que pour répondre à un réel besoin d’archivage
Le 2ème axe est de supprimer des volumes inutiles :
- En reprenant des stocks d’archivage non traités, avec des objectifs de réduction
- En s’affranchissant d’un accord de destruction du métier souvent difficile à obtenir, en se fondant sur la durée de conservation définie au départ : « la décision de destruction est prise au moment de l’archivage »
- En traitant de vieilles applications pour les décommissionner après sélection des données à transférer en SAE
Après ces témoignages, l’exposé de Florian Delabie et les échanges avec l’assistance sont l’occasion de rappeler certains principes fondamentaux :
- Reconnaître l’importance de la dimension humaine : gouverner l’information, cela dépend à 5% des technologies, à 15% des process et à 80% des personnes
- Se raccorder et s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise
- Faire prendre en compte dans la gestion des risques d’entreprise le risque de ne pas maîtriser l’information
- Responsabiliser les managers vis-à-vis des actifs informationnels au même titre qu’ils le sont vis-à-vis des autres actifs dont ils ont la charge
et de conclure sur les opportunités sur lesquelles peut s’appuyer le records manager :
- Les politiques et initiatives « Data » des entreprises : les responsables Data ont besoin de cartographier les données et de les hiérarchiser par leur valeur, et les records managers sont les premiers compétents dans ce domaine
- L’éco-responsabilité : les responsables de RSE sont des sponsors tout indiqués quand il s’agit de réduire le volume de stockage inutile
- La synergie avec les préoccupations de cybersécurité – bien que celle-ci ait tendance à survaloriser les réponses technologiques
- Le coût somme toute limité des approches centrées sur la valorisation des actifs informationnels, en comparaison d’autres domaines d’investissement