De l’IA à la Gouvernance de l’information ?
Il y a 30 ans je suis tombé en IA durant mes études, en abordant tout d’abord les aspects théoriques. Très vite j’ai eu la chance d’être confronté aux besoins de clients, tout d’abord dans une start-up pendant 5 ans, et ensuite dans un grand groupe industriel.
Chez ce même industriel, j’ai ensuite basculé progressivement dans la gouvernance de l’information, le documentaire et l’archivage pour la déployer à très grande échelle. Les techniques de bases acquises en IA sont restées en arrière-plan, permettant d’aborder les nouvelles problématiques rencontrées avec meilleure méthode et un œil autre.
Vous avez dit Intelligence artificielle ?
L’AFIA (Association Française pour l’Intelligence Artificielle) met bien en évidence sur son site (https://afia.asso.fr/) que le terme d’IA regroupe une panoplie de techniques, répondant à des besoins divers :
- Usages : reconnaissance de caractères (chèques, …), analyse du langage naturel, traitement de la parole, reconnaissance d’images (visages, …), robotique, génération d’explications
- Interactions : entre l’homme et la machine, …
- Management des Connaissances : sciences cognitives, ingénierie, représentation, partage, gestion
- Raisonnement : à base de modèles, de cas ; probabilistes, logique floue ; systèmes à base de règles (« inférences »), …
- Apprentissage : fouille de données, réseaux de neurones, deep learning, …
- Intelligence collective : agents autonomes, multi-agents ; intelligence sociale, réseaux sociaux, …
- Outils pour l’IA : logique formelle, programmation logique, recherche opérationnelle, programmation par contraintes, …
Intelligence artificielle, une nouveauté ?
Pour le béotien, le terme IA semble sorti de l’œuf.
Pourtant, le terme « Artificial Intelligence » [AI] (« Intelligence Artificielle » |IA] en français) remonte à la conférence de Dartmouth en 1956. Il est proposé par John McCarthy (père du langage symbolique LISP) et Marvin Lee Minsky. Et des travaux existaient depuis de nombreuses années.
Dans les années 80 émergent des startups, notamment en France (Cognitech, Framentec, Ilog, …). Avec en France une rencontre annuelle à Avignon, et l’IJCAI à l’international depuis 1969.
Puis, comme pour toute nouvelle technologie, on passe de l’euphorie à un intérêt qui s’estompe, parce que du rêve à l’effort il y a un gap important.
Aujourd’hui, l’IA est à nouveau médiatisée essentiellement grâce à sa composante apprentissage, et aux progrès :
- Augmentation de la puissance de calcul machine et miniaturisation
- Le Web qui permet de nourrir les réseaux de neurones avec des millions d’exemples et donc d’avoir une explosion des cas d’apprentissage
- L’évolution des algorithmes donnant la capacité à gérer des centaines de couches dans les réseaux de neurones et des volumes très importants
Et à l’intérêt d’acteurs majeurs finançant les progrès (DARPA aux US, Véhicule autonome, Gafa, …).
Et des champs d’activité de plus en plus larges potentiellement : calcul temps réel pour détecter le déplacement de personnes, traduction, trajectoire de particules, diagnostic médical (radiologie), conduite automatique, …
L’Intelligence artificielle demain ?
Nous laisserons les chercheurs actuels en IA répondre aux questions récurrentes :
- Les mécanismes de raisonnement doivent-ils s’inspirer de l’humain, de la nature ou s’inventer à partir d’autres formes ?
- L’interaction avec la machine doit-elle avoir les apparences de l’intelligence humaine et de ses comportements ?
- …
Lors des nombreux échanges avec l’équipe du Laforia de l’Université Pierre et Marie Curie, lors de mon Doctorat, Jacques Pitrat nous interpelait sur la problématique du « bootstrap ». Je n’ai pas compris tout de suite quel en était le sens profond. Ce n’est qu’avec les expériences industrielles rencontrées que je commence à en percevoir la face cachée.
Aujourd’hui Yann Le Cun parle de « bon sens ».
Alors l’IA a-t-elle du « bon sens » ?
Et si oui, quelle connaissance minimale a-t ’on fourni à une machine pour qu’elle soit à même d’apprendre par elle-même et résoudre tout problème posé ?
Malgré les progrès, avec la résolution de problèmes ponctuels, nous n’en sommes pas encore tout à fait là ! Et nous avons encore beaucoup de jus de cerveau à y mettre !
Et l’archivage managérial dans tout ça ?
Nous, adhérents du CR2PA (représentant nos entreprises, institutions, …), avons un impératif besoin de management des risques (au sens juridique) pour nos entreprises. Et de le déployer auprès des populations concernées (nombre, diversité, culture, langue, internes / externes, …), sur des données multiformes et sur tout le cycle de vie de la donnée et des valorisations qu’elle engendre (information, connaissance dans un contexte) : de sa production aux décisions auxquelles elles peuvent contribuer.
Nous avons besoin d’anticiper à l’instant « t » l’évolution dans le temps de la valeur d’une donnée, information, ou connaissance pour se projeter dans la durée sur sa criticité.
Nous avons besoin d’aide dans toutes les étapes du cycle de vie de l’information. L’humain y est incontournable et essentiel. L’IA est un des moyens.
- Dans la construction des outils :
- Aide à la construction de référentiels de conservation (analyse sémantique, fouille, représentation des connaissances, …)
- …
- Dans le cycle de vie de la donnée
- Qualification de données (origine de la source ? source fiable ? …)
- Reconnaitre qu’une donnée doit être archivée (donnée engageante ? …)
- Appartenance à un référentiel de conservation (« distance » par rapport aux éléments du référentiel ? et classification dans celui-ci)
- Accès « direct » au bon élément du référentiel de conservation (interaction homme-machine, parole, …)
- Éducation des collaborateurs (systèmes d’explication proactifs)
- …
L’IA englobe de nombreuses techniques. Elles sont mises en œuvre pour répondre à des besoins.
L’Homme est aujourd’hui (et demain ?) un acteur majeur qui guide l’apprentissage lors de la mise en œuvre de ces automatismes.
L’humain éduqué doit être au centre du dispositif de l’archivage managérial, pour donner du sens à l’ensemble de la problématique de management des risques.
L’IA a-t-elle du « bon sens » ou est-ce l’humain qui le lui donne ?
Hervé Mahé – Secrétaire Général du CR2PA